MÉTAL (ARTS DU)

MÉTAL (ARTS DU)
MÉTAL (ARTS DU)

Les arts du métal regroupent un certain nombre de domaines et d’activités artistiques dont les principaux sont l’orfèvrerie, la poterie d’étain, la ferronnerie, la dinanderie, les bronzes d’art et d’ameublement, l’armurerie et la bijouterie. Dans l’histoire des civilisations, les métaux ont joué un rôle particulièrement important, dû à leur solidité et aux qualités de conservation qu’ils possèdent. Des périodes historiques n’ont-elles pas été désignées par les appellations des vieilles cosmogonies, liées à certains métaux: l’âge de l’or, l’âge du bronze et l’âge du fer?

De tout temps, le métal a été travaillé par les artistes et par les artisans, aussi bien pour fabriquer des objets liés aux activités utilitaires de l’homme, vie domestique, défense, que pour participer à l’architecture et au décor de son existence, et il règne encore aujourd’hui dans le domaine de la production industrielle. Peu fragile, il est aisé à transporter et donc à diffuser, au niveau tant des formes que des techniques, aisé à copier et à conserver. Comme l’a dit René Huyghe: «Le métal créera une véritable promotion de peuples qui brusquement asserviront leurs voisins civilisés [...], il accélère l’histoire et en bouleverse le cours attendu, en contrecarrant la stabilité qu’imposait l’agriculture.» Les métaux sont mis en forme et décorés selon des techniques très variées et leur histoire a subi tout au long des siècles de multiples transformations jusqu’à la production artistique et industrielle actuelle. Les arts du métal constituent un volet important de l’histoire des arts décoratifs, des arts populaires et des arts industriels. Pour les métaux précieux qui ne seront pas traités ici, mais simplement évoqués, on se reportera à l’article ORFÈVRERIE.

1. Les techniques

Mise en forme

Certains métaux furent trouvés à l’état natif dès la préhistoire; le fer météorique en est un exemple. Au Néolithique, l’or, l’argent et le cuivre, qui étaient connus, ont été exploités simultanément et travaillés dans l’état dans lequel le minerai se présentait: les grandes transformations ont été réalisées ensuite grâce au traitement des métaux et à leurs différents alliages. Ce sont ces étapes techniques qui ont été déterminantes pour l’âge du bronze et l’âge du fer, par exemple. L’examen des mises en œuvre et des décors des objets en métal datant de ces périodes permet de reconstituer le travail du métal sur les différentes aires de production.

Les principaux procédés de mise en forme du métal sont la fonte, le forgeage et le travail en feuille au marteau. Dans le premier cas, le métal est chauffé jusqu’à liquéfaction puis coulé dans un moule dont il épouse l’empreinte et la forme. Tous les métaux sont susceptibles d’être fondus à des degrés différents, les plus bas étant pour l’étain 232 0C, pour le plomb, 327 0C, pour le zinc, 419 0C, et pour l’argent, 960 0C, l’or, le cuivre et le fer atteignant respectivement des degrés de fusion supérieurs (1 064 0C pour l’or, 1 084 0C pour le cuivre et 1 530 0C pour le fer). La fonte des métaux est plus ou moins fine suivant la pureté et la qualité de l’alliage employé et en fonction du matériau du moule de coulée. Les moules en pierre, utilisés pour certains métaux comme le plomb ou l’étain dans l’Antiquité et au Moyen Âge pour certaines figurines, ou pour des éléments de peu d’épaisseur, donnaient un aspect plus grossier à l’objet obtenu.

Dans le cas du bronze, de l’or et de l’argent, fondus au sable ou à cire perdue, la qualité est généralement acquise par les travaux de finition et de reparure, effectués à froid sur la surface du métal coulé après ébarbage et raclage des jets, coutures et autres excédents de métal. Lorsque la forme et les reliefs de la pièce à fondre ne viennent pas de dépouille, c’est-à-dire qu’ils ne s’enlèvent

pas facilement de la place qu’ils occupent dans le moule, les éléments en saillie sont fondus dans des moules à pièces perdues qui sont brisés sur l’épreuve au moment du démoulage. La fonte à découvert est employée pour les plaques de cheminées en fonte de fer: le relief n’intervenant que sur une seule face, la plaque est coulée directement dans le moule en sable. Dans ce cas, l’oxydation immédiate du métal en contact direct avec l’air provoque au revers des bulles, des crevasses et des irrégularités au cours du refroidissement. Ce procédé est aussi utilisé pour certains médaillons. Les sculptures et les objets de grandes dimensions ont généralement été fondus avec un noyau en sable réfractaire pour ménager un évidement central au cœur de l’objet coulé, qui permet d’utiliser moins de métal, celui-ci venant occuper l’espace laissé libre entre le noyau et le moule. L’étain, en raison de son degré de fusion bas, est coulé dans des moules non destructibles, en bronze ou en acier, pouvant résister à de nombreux tirages, contrairement à la fonte au sable où le moule est détruit systématiquement après chaque coulée. Le bismuth est coulé dans des moules en papier.

Se situant un peu à part et longtemps exclue des arts du métal, la fonte de fer est obtenue par coulage d’un alliage de fer et de 2,5 à 4,5 p. 100 de carbone; peu coûteuse, elle est facile à mouler mais fragile, cassante et peu malléable; pour pouvoir être travaillée, elle doit subir une deuxième fusion. Les objets en fonte de fer sont coulés comme les autres métaux dans des moules en sable, avec ou sans noyaux. La corrosion qui attaque la fonte et le fer peut amener la destruction de l’objet.

La technique de fonte des cloches est particulière; le bronze à cloches est un alliage composé de 78 p. 100 de cuivre et de 22 p. 100 d’étain, proportion correspondant au meilleur résultat pour la fusion du métal et pour la bonne sonorité de la cloche. Cet alliage est de couleur jaune très pâle. L’opération se déroule en trois temps: le tracé intérieur et extérieur de la fausse cloche est exécuté d’après des tables de proportions qui mettent en rapport le poids voulu pour la cloche (ce qui détermine sa note), avec l’épaisseur du bord et avec le grand diamètre de la base. Ce tracé est effectué avec un gabarit intérieur pour le noyau, et un gabarit extérieur pour la fausse cloche de terre, sur laquelle seront appliqués les éléments de décor et les inscriptions en cire, eux-mêmes moulés à part dans des formes en bois. Le moule de cuisson, ou chape, est construit au-dessus de la fausse cloche qui, une fois détruite, laisse la place au métal en fusion. Les cloches de carillons sont accordées et leur tracé suit les lois de l’acoustique, le diamètre augmentant avec la gravité du son recherché. Les cloches de clocher étaient fondues, jusqu’au début du XIXe siècle, directement dans le sol, devant l’église à laquelle elles étaient destinées. Les cloches occidentales les plus anciennes n’étaient pas évasées vers le bas, cette forme n’est apparue que vers le XIIIe siècle; les cloches chinoises sont cylindriques. La cloche est utilisée soit à la volée, avec un battant intérieur en fer forgé ou en fonte, venant sonner contre la partie épaisse du vase appelé «frappe», soit avec un marteau extérieur.

Deux des plus grosses cloches connues sont celle du Kremlin à Moscou (201 206 kg) aujourd’hui déposée, et la grosse cloche du bourdon de Notre-Dame à Paris (17 170 kg) toujours en place. Dans le culte catholique, les cloches sont bénies ou baptisées lors de leur mise en place et reçoivent un nom de saint, ainsi qu’un parrain et une marraine, cérémonie qui a été souvent confondue avec un baptême.

Parmi les techniques spécifiques au travail du fer, il faut citer le forgeage au cours duquel le métal est chauffé à blanc pour être frappé et modelé au marteau: des outils adaptés permettent de moulurer et d’étamper le métal en l’insérant de force dans des formes en creux, pour obtenir l’impression de motifs. Au Moyen Âge, par exemple, les extrémités des pentures de portes sont obtenues par étampage. Pour lui donner plus de solidité, de résistance et de souplesse, l’artisan ferronnier trempait le fer forgé chauffé à blanc en le refroidissant rapidement dans un bain. Pour obtenir un résultat similaire, les épées japonaises étaient soumises à un travail normal de forge dans la partie centrale de la lame et plus soigné dans les parties extérieures, vers les tranchants, pour en extraire toutes les impuretés et obtenir un fer doux, pur et homogène. Une fois terminée, la lame était soumise à une seule chauffe qui rendait le tranchant très dur et le corps plus souple.

Les fers damassés étaient aussi utilisés pour la fabrication des lames des armes, contribuant ainsi à leur décor et à leur beauté. Visible à l’œil nu, l’effet de damassé, terme qui leur a été donné en raison du nom de la ville de Damas, où les Européens les ont découvertes, et non du lieu de leur fabrication, provient de la superposition des couches de fer et d’acier pliées et repliées plusieurs fois les unes sur les autres. L’aspect fini, une fois poli, reproduit les différents mouvements du métal dans la disposition des couches diversement colorées des deux métaux. Les armes fabriquées en Inde selon un procédé analogue qui incorpore du fer fondu liquide dans le fer forgé en feuilles présentent un effet semblable de rayures.

Les assemblages de fer se font par soudure à chaud, sans apport d’autre métal: les pièces à assembler sont chauffées à blanc, martelées ou forgées, afin que les points d’attache deviennent invisibles. Pour les autres métaux, un apport d’un métal à degré inférieur de fusion est indispensable. Pour la mise en forme au repoussé à partir d’une feuille, elle-même obtenue par martelages successifs, le métal est posé sur une enclume en bois creusée de cavités et travaillé, afin de lui faire prendre la forme voulue, avec des marteaux à tête convexe. Cette opération, qui remonte aux premières civilisations du métal, est effectuée au tour à partir du XVIIIe siècle pour certaines formes circulaires ou ovales.

Dans le cas des tôles de fer, on parle de relevé et non de repoussé, la feuille étant retroussée au marteau.

Les techniques du décor

Ces techniques peuvent être exécutées en même temps que la mise en forme, mais, la plupart du temps, elles relèvent d’opérations distinctes. La gravure regroupe plusieurs types de décor par enlèvement de matière, soit à la pointe, soit au trait avec le burin, soit encore au champlevé: dans ce dernier cas, le métal est enlevé au burin, non plus suivant un trait, mais sur une certaine surface. Ainsi sont obtenus des décors en relief en faible méplat. Les incrustations ou damasquinures viennent compléter parfois le décor gravé par insertion de fils ou de feuilles de métaux colorés: en argent sur du bronze ou en or sur du fer. Les boucles mérovingiennes sont de magnifiques exemples de ces effets de polychromie sur métal. Le guilloché est une technique de gravure pratiquée mécaniquement: le burin et la pièce sont fixés sur le tour à guillocher et subissent l’un un mouvement de rotation, l’autre le va-et-vient qui permet d’obtenir par combinaison des traits gravés réguliers, généralement à base de mouvements circulaires concentriques. Inventé par un certain Guillaume, qui mit au point au XVIIIe siècle cette technique au tour, ce décor est réservé plus spécialement aux métaux précieux et peut être recouvert d’émaux translucides, combinant les effets de transparence colorée avec les fonds guillochés.

La ciselure permet de donner des reliefs et des effets à la surface du métal, suivant les types d’outils employés, sans enlèvement de métal. La ciselure au repoussé ou au trait est pratiquée avec des ciselets d’acier à tête circulaire ou ovale, concave ou convexe qui permettent de faire ressortir le métal; le ciselet est lui-même frappé avec un petit marteau spécial. Lorsque la feuille de métal est très mince, avec l’électrum, l’or ou l’argent par exemple, le repoussé peut être effectué sans ciselet ni frappe, directement à la pointe d’os, la simple pression d’une tige à tête arrondie déformant le métal. La ciselure au mat permet d’imprimer à la surface du métal des petits motifs variant suivant la tête au ciselet. Les mats vermiculés, sablés, quadrillés, rayés sont ainsi obtenus; ils sont généralement réservés à des fonds, afin de faire ressortir les reliefs ou les surfaces brillantes et brunies. Au XVIIe siècle, ces techniques de décor qui sont restées inchangées jusqu’à nos jours ont été pratiquées avec succès. À la fin du XVIIIe siècle, la ciselure à la molette permet d’imprimer un motif régulier, répétitif, en pressant et en roulant sur l’emplacement voulu une molette dont la tranche comporte le décor gravé. Ainsi furent obtenues, par exemple, les feuilles d’eau ou les autres bordures caractéristiques de l’orfèvrerie de l’époque Empire. Parmi les techniques de décor de surface, il faut citer le travail indispensable de brunissage et de polissage: le brunissage est une sorte d’écrasement de la surface avec un outil en acier ou en agate, à tête ronde et polie, permettant d’obtenir un brillant faceté et chaud, se différenciant du polissage qui, lui, s’effectue au tour en frottant et en abrasant très légèrement le métal pour lui donner un poli uni et lisse.

La dorure et l’argenture sont pratiquées pour donner l’aspect du métal précieux. À l’origine, chez les Égyptiens, la feuille d’or était appliquée sur le métal à recouvrir et martelée sur les bords, pour s’insérer dans un sillon pratiqué sur le pourtour. La feuille de métal pouvait également être martelée sur toute la surface à dorer, préparée par des entrecroisements de traits gravés ou par une attaque à l’acide qui favorisaient l’adhésion. Ce procédé, d’origine japonaise, est appelé faux damassé ou nuname . Plus économique et requérant moins de dextérité pour la gravure et pour la préparation des fonds, certains objets d’artisanat (Tolède, Japon) sont encore aujourd’hui fabriqués de cette manière: les petites feuilles, les fils ou les points de métal coloré qui caractérisent cette production populaire y sont incrustés.

Dans le cas de la dorure au mercure appelée aussi «or moulu», le métal précieux est broyé en poudre et mélangé au mercure, l’amalgame ainsi obtenu est réparti sur les surfaces à dorer ou à argenter, les réserves étant recouvertes de blanc d’Espagne et le tout chauffé: le mercure se volatilise et le métal, en fondant, se soude en surface. Mélangée au cuivre ou à l’argent, suivant les goûts et les époques, la dorure peut prendre une coloration plus rouge ou plus jaune. Le XVIIIe siècle et l’époque Empire ont particulièrement mis à profit ces possibilités.

Mise au point par l’Anglais Elkington dès 1838, et exploitée par Christofle vers 1840, la dorure, comme l’argenture électrochimique, prendra désormais le pas sur la dorure au mercure, qui présentait d’ailleurs de graves dangers, à cause des émanations de mercure, raison pour laquelle elle fut interdite au milieu du XIXe siècle. L’objet à recouvrir, rendu conductible et plongé dans un bain dans lequel passe un courant électrique, attire les molécules du métal pur: l’épaisseur de ce dernier est proportionnelle au temps de l’opération. D’autres types de recouvrement sont possibles et parfois nécessaires pour certains usages, ainsi en est-il de l’étamage du cuivre et du fer (pour le fer blanc) pour les objets qui doivent être mis en contact avec les aliments. L’objet nettoyé et dégraissé est simplement plongé dans un bain d’étain fondu. Parmi les autres techniques de décor, il faut citer le vernis brun, dont le principe consiste à opposer des motifs dorés à des fonds brun foncé ou inversement, par cuisson d’une couche d’huile de lin passée sur les parties à colorer. Les émaux font aussi partie du répertoire décoratif; ils sont soit cloisonnés, c’est-à-dire coulés dans les compartiments créés par l’application de cloisons d’or ou d’argent sur fond de même métal, c’est le cas des émaux cloisonnés d’origine byzantine, soit champlevés, les surfaces à émailler sont alors creusées dans le cuivre et les émaux de différentes couleurs y sont coulés. L’émaillerie limousine, aux XIIe et XIIIe siècles, fournira un grand nombre de pièces à destination religieuse. Aux siècles suivants, les techniques évolueront vers l’émail translucide sur fond d’or ou d’argent et sur ronde-bosse, puis, au XVIe siècle, vers l’émail peint. Dans ce cas, le fond de métal n’est plus visible, il est totalement recouvert d’une couche d’émail sur laquelle est effectué le travail de peinture à l’émail; le revers de ces pièces est généralement protégé par un contre-émail transparent qui a pour but de s’opposer à la déformation du métal lors de la cuisson de l’émail.

Les tôles peintes ont tenu une place importante dans les arts appliqués au métal. Venue d’Italie, la formule du vernis résistant à la chaleur sur feuille de fer ou de cuivre fut exploitée en Angleterre et en France à Paris, où Louis XVI ouvrit une manufacture. Le succès de ces vases, candélabres, rafraîchissoirs et jardinières se prolongea jusque sous le Consulat et l’Empire; mais la découverte de procédés mécaniques vulgarisera ces objets. Les décors sont constitués d’imitations de pierres, de marbres, de jaspes et de dorures montées en bronze doré, mais aussi de scènes peintes sur panneaux. Le Mobilier national conserve une pendule peinte en faux marbre, et le château de Fontainebleau une grande table, livrée aux Tuileries en 1801, pour le salon de musique de Joséphine.

2. Le cuivre, le bronze, le laiton

Le cuivre pur est à l’origine des alliages que sont le bronze et le laiton. Il a été mis en forme au repoussé à toutes les époques, mais il a souvent été doré, émaillé, recouvert ou incrusté d’autres matières. Il a beaucoup servi à la fabrication d’objets de la vie quotidienne. La chaudronnerie regroupe ce type de production et certains pays, comme ceux de l’Orient musulman, ont préféré ce traitement du métal à la fonte. Dès le XIe siècle, l’Asie Mineure et l’Égypte ont produit des plats martelés et incrustés d’or et d’argent, décorés de motifs géométriques, d’inscriptions en caractères coufiques et de scènes diverses. Dès le XVe siècle, l’Allemagne, la France et l’Italie ont également fourni des plats en cuivre à décor religieux.

Le bronze est composé de cuivre rouge et d’étain, et les premiers alliages ont dû se faire dans une région qui possédait à la fois des mines de cuivre et d’étain; les archéologues s’accordent pour penser que c’est au Proche-Orient que l’on en a trouvé les premières traces dès le VIIIe millénaire. À l’époque mycénienne, vers 2000 à 1500 avant J.-C., des objets décoratifs, des petites sculptures et des armes en bronze sont fabriqués. En Égypte, il est connu dès les premières dynasties, mais il est resté rare jusqu’au IIIe millénaire avant J.-C. Les métallurgistes considèrent que le meilleur alliage est constitué d’une partie d’étain pour dix de cuivre; cette proportion était connue des fondeurs anciens. En feuille, le bronze peut être martelé, mais, dans la plupart des pays, il a été fondu.

Les fondeurs égyptiens connaissaient aussi les incrustations d’or et d’argent, damasquinures utilisées encore par les Mérovingiens pour les armes et les boucles. La faible malléabilité du bronze interdit d’avoir des reliefs repoussés très accentués sur ce métal: sur certaines pièces, comme les portes de Balawat, d’origine assyrienne (British Museum, Londres), les deux techniques différentes ont été utilisées. Dans l’art celte, le bronze battu apparaît dans des objets quotidiens aux formes très simples, dès 1600 avant J.-C.; plus tard, à l’époque de la Tène (du Ve au Ier s. av. J.-C.), les Celtes pratiqueront la fonte. En Grèce comme à Rome, la production des bronzes fut immense, reproduisant des formes inspirées de la céramique. Les vases de toutes sortes, les miroirs grecs, étrusques et romains occupent une place importante dans l’artisanat des derniers siècles avant J.-C. Les miroirs gravés sur la face non réfléchissante, portés par des pieds en forme de statuettes, répètent comme les luminaires et les brasiers les mêmes modèles avec quelques variantes.

En Extrême-Orient, les plus belles pièces remontent au XIIIe siècle avant J.-C. Les vases et les urnes de cette époque conservent une patine rouge ou verte, vraisemblablement obtenue par l’oxydation artificielle des surfaces. Les techniques se sont perfectionnées et les fontes à cire perdue donnent des objets parfaits, qui ne nécessitèrent aucun travail de reprise à la ciselure.

L’Occident barbare abandonna les traditions gallo-romaines; sous Charlemagne, il semble qu’il y ait eu des ateliers de bronziers dont certaines œuvres nous sont parvenues: les portes de la chapelle palatine d’Aix-la-Chapelle par exemple. Pendant le Moyen Âge, la production française est assez restreinte, les ateliers germaniques et mosans étant au contraire très actifs. Il semble qu’à cette époque on ait travaillé plus volontiers le laiton. Le Livre des métiers , d’Étienne Boileau, prévôt de Paris en 1258, ne cite en effet comme produits en bronze que de très petits objets: fermoirs, sceaux, lampes, boucles...

En Italie, la tradition romaine persiste dans des œuvres de grandes dimensions: portes historiées, comme celle de la basilique Saint-Marc à Venise, ou candélabres (dôme de Milan ou baptistère de Florence); en Allemagne, aux dalles funéraires et aux cuves baptismales de la cathédrale d’Hildesheim et de Brême, aux fonts baptismaux de Würzburg ou de Brandebourg, il faut ajouter des aiguières ou aquamaniles, des croix, des lampadaires, des encensoirs et une multitude d’autres objets d’église. Les plus beaux exemplaires du XVe siècle en France ont en grande partie disparu; les églises et les cathédrales conservent dans leurs trésors et leurs sacristies quelques lutrins en forme d’aigle, comme celui de l’église Sainte-Catherine de Honfleur.

Mais, à la même période, l’Italie fut le plus grand atelier de bronze du monde et s’illustre par des noms comme ceux de Brunelleschi

(1377-1446) ou de Ghiberti (1378-1455), à la fois fondeurs de bronze et orfèvres. Donatello (1386-1466) coule les deux portes de la sacristie de San Lorenzo à Florence et Della Robbia (1400-1482) est associé à ses travaux pour les portes de Santa Maria dei Fiori. Venise, comme bien d’autres villes d’Italie, a conservé de nombreux objets en bronze: les très beaux marteaux de portes au palais de Trévise, le candélabre de Vittoria, les portes de la sacristie de Saint-Marc par Sansovino et la margelle du puits du palais ducal.

L’Espagne est très influencée par les artistes italiens, comme en témoigne la porte faite par Villalpando pour la cathédrale de Tolède. L’Angleterre accuse un certain retard et il n’y a pas d’ateliers locaux de bronze, ce sont les Italiens qui réalisent sur place les objets de bronze de l’époque. En France, les ateliers de Fontainebleau imitent au XVIe siècle les fontes italiennes avec Primatice et Pierre Beauchêne, mais les œuvres des artistes comme Étienne Barillet à Notre-Dame de Paris, Charetier et d’autres ont malheureusement disparu.

Les papes continueront de faire édifier des monuments gigantesques comme à Saint-Pierre de Rome le baldaquin de bronze, œuvre de Bernin.

Sous Louis XIV, à la suite de l’élan donné par ses prédécesseurs, l’art de la statuaire, très développé, a suscité une production somptuaire (les bas-reliefs de socle de la statue équestre de la place des Victoires ainsi que les fanaux qui l’entourent). Les meubles se garnissent de décors de bronze, la manufacture de la Couronne fournit pour les résidences royales des boutons de porte, des palâtres, des entrées de serrure; André-Charles Boulle loge aux galeries du Louvre et, en 1672, il se spécialise dans la marqueterie d’étain et d’écaille tout en employant de nombreux ouvriers bronziers et ciseleurs. On peut voir au Conservatoire des arts et métiers de Paris la célèbre horloge de Thuret réalisée dans les ateliers de Boulle. À Versailles, les trophées fondus en 1686 par Keller décorent le socle du buste de Louis XIV.

Au XVIIIe siècle, les bronzes dorés, dits d’ameublement, copiés dans toute l’Europe, sont une grande réussite de l’art parisien: Charles Crescent (1675-1768), ébéniste-ciseleur, fond des appliques pour les meubles. Les Caffieri, père et fils (Jacques, 1678-1755; Philippe, 1714-1774), ciseleurs-sculpteurs, créent des horloges pour le salon de la Pendule à Versailles, des bronzes pour la cheminée du Dauphin, toujours à Versailles (1747), des lustres pour la bibliothèque Mazarine et assurent les commandes royales, pour Mme de Pompadour ou le roi de Pologne Stanislas; Antoine Vassé (1681-1736) cisèle le bronze pour une cheminée de Versailles. Les Duplessis (le père, 1695-1772; le fils, 1730-1783) inventent des formes de vases montés, ainsi que les bronzes du bureau de Louis XV (musée du Louvre). L’orfèvre François Thomas Germain signe un trumeau de glace et les bronzes d’une cheminée en 1757 pour le palais Bernstorff à Copenhague inspirés des décorations du Palais-Royal pour le duc d’Orléans. Avec le retour au classicisme, Pierre Gouthière (1732-1812) s’inspire des objets trouvés au cours des fouilles de Pompéi et d’Herculanum: un lustre à Versailles, un brûle-parfum au Louvre attestent des origines antiques de ses modèles. Pierre-Jean Thomire (1751-1843) enfin donne à la fin du siècle d’innombrables montures pour des vases de Sèvres, dont il prit la direction à la suite de Duplessis, des pendules, des torchères et des chenêts (Mobilier national).

Au début du XIXe siècle, le Singe vert , enseigne de Guillaume Biennais, fournit la Cour impériale. J.-B. Claude Odiot et Thomire réalisent le berceau du roi de Rome conservé à Vienne. Thomire livre des candélabres pour Fontainebleau et une table pour Trianon. Au milieu du XIXe siècle, une statuaire de moindre qualité, produite en série, s’introduit dans les demeures bourgeoises. Le cadre de la vie quotidienne est désormais orné, comme sur les monuments publics, de vases, d’ornements et de luminaires à gaz ou à huile: Carrier-Belleuse, Moreau, Chéret décorent les grandes demeures; Barbedienne, Flaguière, Dubois fournissent des femmes porte-torchère qui seront achetées en 1867 par Napoléon III à l’Exposition universelle. Denière, Le Rolle, Klagmann, Dieterle réalisent de grands lustres et des appliques.

À l’époque contemporaine, la création de bronzes d’ameublement a tendance à disparaître peu à peu, sauf pour toutes les copies dont la production demeure importante; une certaine originalité se dégagera chez les créateurs de l’école de Nancy, avec Dufrêne, qui crée vers 1905 un style qui allie les formes géométriques à un certain naturalisme. Le bronze, désormais, est allié au verre dépoli et à la pâte de verre pour l’éclairage. Les maisons Gagneau, Baguès et Gagnon se spécialisent dans cette production. La serrurerie d’appartement évolue elle aussi, aidée par les méthodes sophistiquées de la production industrielle. Les maisons Fontaine, Bricard et Prou créent des lignes nouvelles, tout en continuant à servir une clientèle au goût traditionnel. Pour la statuaire, les maisons Leblanc, Barbedienne, Hébrard et Susse continuent à fondre des sculptures qui sont devenues la proie des collectionneurs. Parmi la grande variété des produits en bronze, on peut citer tout d’abord la statuaire d’intérieur et d’extérieur, la petite sculpture, dite de cabinets de curiosités, les bronzes d’ameublement et d’églises, ainsi que le cas particulier que constituent les cloches; viennent ensuite la carrosserie et le harnachement, la bimbeloterie, la bijouterie de pacotille, les ustensiles de cuisine, le luminaire et la plomberie, qui relèvent plus spécialement de la dinanderie.

Le laiton est un alliage de zinc et de cuivre, souvent appelé cuivre jaune, pour le distinguer du cuivre pur ou «cuivre rouge».

Le maillechort est un alliage d’origine chinoise composé de cuivre, de zinc et de nickel. Cette composition est restée longtemps mystérieuse, à cause de sa ressemblance avec l’argent, mais il semble que dès le XVIIIe siècle on l’ait utilisée en Chine, très finement fondue pour obtenir des produits de qualité. Le maillechort était étamé pour permettre le contact avec les aliments, dans le cas des théières et des boîtes à thé par exemple. Le terme dinanderie s’applique plus particulièrement au laiton jaune fondu, auquel était donné un aspect très brillant par polissages fréquents, afin de lui prêter l’apparence de l’or. Le laiton n’a jamais été un alliage coûteux; comme il était facile à mettre en forme, les artisans ont toujours essayé de lui donner l’aspect le plus riche et le plus brillant possible, soit en le dorant, soit en le recouvrant d’un vernis transparent, qui avait l’avantage de protéger le métal contre les oxydations et remplaçait la dorure.

Les fouilles archéologiques ont fourni des exemples de petite bijouterie et de petites pièces en maillechort, aussi bien sur les sites celtes du IVe siècle après J.-C. qu’en Chine, en Perse ou chez les Ottomans de la période prémédiévale. Au XIVe siècle, les principaux centres de dinanderie étaient situés en Allemagne et surtout à Dinant, entre Liège et la Meuse; jusqu’en 1466, date de sa destruction

par le duc de Bourgogne, cette ville détenait une sorte de monopole. Après cette date, Nuremberg, en Allemagne, lui ravit la place. Cette production fut acquise par l’Europe entière. La peinture du XVe siècle permet d’identifier les types d’objets produits: plats, lampes, aquamaniles, chandeliers, mouchettes, astrolabes, cadrans, compas, lustres, appliques de lumière, balances, serrures, chaudrons, bassines et coquemars, toutes sortes d’objets qui n’ont guère évolué et n’ont pas disparu de la vie quotidienne avant la fin du XIXe siècle. L’Espagne, l’Europe du Nord, la France et l’Angleterre avaient appris cette technique des Allemands dès le XVe siècle.

En Angleterre, par exemple, la reine Élisabeth Ire, pour des usages militaires et afin de ne pas dépendre de l’étranger, avait fondé une compagnie royale pour exploiter les mines du pays et fit venir des ouvriers allemands pour former ses compatriotes. Les huguenots, réfugiés en Angleterre après la révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV, s’établirent autour de Birmingham et produisirent des objets influencés par la France, la Hollande et l’Allemagne. Dans une autre aire culturelle, l’Afrique du Nord musulmane et les Maures transmirent leur savoir-faire aux Espagnols à l’occasion de leurs invasions.

Au XVIIIe et au XIXe siècle, la production de laitons fut très diversifiée à cause des différentes mises au point faites sur les alliages: grâce à l’adjonction d’autres métaux – en particulier du zinc –, on put mieux contrôler les qualités esthétiques et le coût des objets en laiton qui furent destinés en outre à des usages plus variés. Les pièces sont rarement marquées ou signées, contrairement aux objets en bronze, en métal précieux ou en étain, et il n’est pas toujours aisé de distinguer leur origine géographique ou historique. Les orfèvres et les bronziers ont souvent uni leurs efforts pour essayer de mettre au point des alliages de laiton d’aspect précieux. Aussi nomme-t-on orfèvrerie de «semi-métal» celle qui veut imiter l’or par des procédés et des compositions, désignés sous les noms de similor, alliage jaune de zinc, régule d’antimoine à base de cuivre, ou tombac. Les Anglais ont fabriqué un alliage similaire, le pinchbech. Louis XV commanda deux brasiers en similor qu’il offrit au sultan (l’un d’eux est encore conservé aujourd’hui à Topkapi à Istanbul). C’est ce type d’alliage, appelé aussi «métal de prince», dont Le Mercure , en 1731, vantait l’effet: «On a bien de la peine à le distinguer du vrai or.»

3. Le fer

Des textes égyptiens datant d’environ 3500 avant J.-C. mentionnent l’existence de l’utilisation du fer. À Gerzeh, des éléments de perles fabriqués à partir de fer météorique ont été retrouvés, mais l’emploi de ces épaves de fer comme bijoux ne constitue pas un point de départ certain pour l’art du fer. Le travail de mise en forme de ce métal n’a, pour ainsi dire, pas évolué de la préhistoire à nos jours. Il était pratiqué de manière empirique et les diverses propriétés du fer n’ont pas été véritablement expliquées avant le XVIIIe siècle; on savait au contraire que les propriétés de l’acier dépendaient du pourcentage de charbon qu’il contenait, mais le traitement et la qualité obtenue dépendaient surtout du savoir-faire de l’artisan. Les premiers ouvriers du fer assemblaient des petites pièces les unes aux autres pour produire des objets de grandes dimensions, impossibles à réaliser d’un seul tenant.

L’Inde fut le lieu de production des aciers les plus anciens; au moment de l’invasion d’Alexandre le Grand (327 av. J.-C.), la qualité des aciers indiens avait déjà une très grande réputation. Le pilier de fer presque pur, réemployé dans la mosquée d’Altamsh à Delhi, d’une hauteur d’environ 8 mètres, témoigne d’une façon spectaculaire de l’architecture de fer en Inde: il pèse 6 tonnes

et les assemblages ont été soudés à chaud. L’inscription en sanscrit qu’il porte en donne la date: 360-400 après J.-C. Les Grecs et les Romains ont peu développé les possibilités esthétiques du fer et se sont, la plupart du temps, contentés de l’utiliser pour des outils, des chaînes et des assemblages de travaux de maçonnerie et d’architecture. Les fouilles d’Herculanum et de Pompéi ont permis de retrouver des traces de clôtures de fenêtres en fer forgé. À l’exception des lames et des épées, peu d’objets de la fin de l’Empire romain et du haut Moyen Âge sont parvenus jusqu’à nous. Les épées à lames courtes, portées par les légionnaires romains, devinrent vers le IVe siècle après J.-C. une spécialité de Nydam dans le Schlesswig, puis de l’ensemble des territoires de l’Empire romain situés dans la vallée du Rhin.

Dans les pays scandinaves, l’épée a toujours été le chef-d’œuvre du forgeron et les fers trempés scandinaves étaient une de leurs principales industries. Le processus de fabrication restait empirique, ce qui explique que le forgeron a souvent été considéré comme un magicien.

En France, les témoins d’objets en fer antérieurs au XIIe siècle sont rares. Les grilles de l’abbaye d’Ourscamp (musée Le Secq des Tournelles, Rouen) sont constituées de simples enroulements assemblés par des liens et des bagues, les portes de la cathédrale du Puy ont de belles pentures; du XIIIe et du XIVe siècle nous sont parvenus le chariot à braises, les chandeliers et les coffres de la cathédrale de Noyon, la clôture du trésor de Noyon et le coffre à pentures de l’église d’Aubazine (Victoria and Albert Museum, Londres).

Aux XIVe et XVe siècles, sous l’influence de l’Italie, les grilles de clôture sont plus élaborées; des médaillons et des panneaux à couronnements végétaux ou animaliers, effectués en tôle de fer, constituent un véritable décor architectural (grille de Saint-Sernin de Toulouse). Les objets mobiliers, modelés au marteau, taillés dans la masse pour les serrures, les coffrets, les judas deviennent des pièces de sculpture: l’hôtel-Dieu de Beaune ou l’église Saint-Pierre de Strasbourg en présentent de beaux exemples. La Renaissance italienne a produit, entre autres, des portes, des bannières et des lanternes d’une qualité comparable à celle de la ferronnerie espagnole, qualité dont la chaire de la cathédrale d’Ávila perpétue le souvenir. La serrurerie d’intérieur abonde dans les grandes résidences françaises du XVIe siècle, mais le début de l’essor de la ferronnerie doit être situé dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Les balcons apparaissent timidement à Paris vers 1620, au palais du Louvre du côté de la Seine, puis dans les escaliers de l’hôtel d’Assy, rue des Francs-Bourgeois et à l’hôtel Bordier, dit plus tard hôtel de Vigny, rue du Parc-Royal. La province adoptera très vite cette mode parisienne. Les rampes seront en fer forgé jusqu’au premier étage, puis en bois dans les étages supérieurs, permettant ainsi d’alléger les éléments de soutènement. Pendant tout le XVIIe siècle, le fer est encore considéré comme un matériau luxueux; les contrats et les marchés mentionnent des prix très élevés, et donnent des précisions sur la «peinture» appliquée par les serruriers pour protéger le fer de la rouille en le noircissant à l’huile de noix broyée avec une sorte de noir de fumée appelé noir d’Angleterre. Au nombre des autres réalisations françaises prestigieuses du XVIIe siècle, témoins du rôle et de la qualité du travail du fer forgé, il faut citer les balcons du premier étage de la cour de marbre à Versailles, dus à Nicolas Delobel en 1679, les rampes du Grand Trianon par Étienne Boudet, la grille du château de Maisons, près de Paris, dessinée par Jean Marot et exécutée au milieu du XVIIe siècle (elle ferme aujourd’hui l’entrée de la galerie d’Apollon au musée du Louvre) et enfin la rampe d’escalier de l’hôtel Salé à Paris. Au XVIIIe siècle, âge d’or de la ferronnerie française, le répertoire mis en place à Versailles devient plus élégant et plus léger: des rampes complètes courent le long des escaliers sans aucun montant vertical. L’utilisation du fer se répand dans les édifices religieux et dans des demeures plus modestes. Les architectes et les serruriers, tels que G. Vallée, N. Guérard, Cuvelier, Juste-Aurèle Meissonnier, Jacques-François Blondel ou Gilles Marie Oppenord, créent des modèles et publient des recueils. Le plus célèbre serrurier du siècle est sans conteste Jean Lamour (1698-1771) qui construit sur la place royale de Nancy pour le roi de Pologne, Stanislas, un exceptionnel ensemble composé de balcons, de portes, de grilles, de fontaines et de lanternes ornés de décors végétaux et de rocailles.

À Bordeaux, Dumaine est le maître d’œuvre de la porte de l’hôtel de la Bourse, à Rouen, Jean Boniface Le Friand, en 1745, orne d’armoiries le balcon de la rue de la Pucelle. Ces créations prestigieuses, réparties dans toute la France, ne se poursuivent pas au-delà de la fin du siècle. Plus simple, le néo-classicisme fera réapparaître des formes géométriques régulières et répétitives dont Neufforge et Moreau sont les meilleurs représentants sous le premier Empire et dans les décennies suivantes. Et la fonte de fer prendra alors le relais du fer forgé. Quelques extraordinaires réalisations marquent la fin du XIXe et le début du XXe siècle, comme les rampes de l’escalier du château de Chantilly ou le grand escalier de la Sorbonne, tous deux exécutés par la maison Moreaux de Paris.

Aux alentours de 1900, de belles réalisations feront renaître, l’espace de quelques années, les qualités esthétiques et l’originalité d’un style, avec Victor Horta à Bruxelles, à l’hôtel Tassel ou au palais des Beaux-Arts, à l’hôtel Solvay, en 1889 et à la Maison du peuple en 1899. À Glasgow, Mackcintosh réalise la décoration en fer forgé de la School of Art et du salon de thé Willow; à Barcelone, les maisons Güell et Mila témoignent de l’inspiration de Gaudí. À la même époque, Majorelle à Nancy, Hector Guimard à Paris, créateurs du Modern Style, réinventent des procédés du grand art de la ferronnerie avec un répertoire nouveau. Entre 1910 et 1930, Edgar Brandt à Paris impose un style plus géométrique, suivi par Raymond Subes et par Gilbert Poillerat: les armatures et les portes de l’usine Solex témoignent de leur art. Pour la petite serrurerie, les maisons Bricard et Fontaine frères créent des modèles dessinés par les décorateurs A. Charpentier ou T. Lambert.

L’utilisation du fer concerne une diversité d’objets beaucoup plus grande que celle des autres métaux: les bijoux par exemple, les accessoires du costume, mais aussi la sculpture, la ferronnerie, la serrurerie, la coutellerie, l’armurerie, l’architecture, le mobilier, l’outillage. Les métiers du fer ont occupé dans toutes les sociétés une place importante. Le terme de ferronnier est récent et date, dans son acception actuelle, du début du XXe siècle. Jusqu’alors, on parlait de maréchal-ferrant et de forgeron pour les gros travaux, de serrurier pour tout ce qui était serrurerie, ferronnerie d’architecture et d’ameublement; ce métier était très répandu: une recherche faite au Minutier des notaires des Archives nationales a révélé l’existence de cinquante serruriers pour le seul quartier du Marais entre 1700 et 1750; nombre considérable mais qui s’explique si l’on note que dans chaque maison il y avait un coffre-fort en fer à plusieurs serrures et à cadenas pour protéger les richesses de la demeure et que les sépultures étaient également défendues par des clôtures. Parmi les utilisations du fer, il faut également mentionner la fabrication des multiples serrures, verrous et targettes qui ferment meubles, portes et fenêtres et qui participent, dès le Moyen Âge, à l’embellissement d’une pièce ou d’un édifice. Les collections françaises du musée Le Secq des Tournelles à Rouen, du musée de Cluny à Paris, du musée Calvet à Avignon, de l’abbaye de la Bénédictine à Fécamp, à Londres, celle du Victoria and Albert Museum, ou à Bruxelles, celle du musée du Cinquantenaire, sont là pour témoigner de l’extraordinaire histoire de la création et de l’invention en matière de serrurerie et ferronnerie.

4. L’étain, le plomb, le zinc

L’étain

Pour être utilisé, le minerai d’étain, qui était exploité dès l’Antiquité dans les mines à ciel ouvert, doit être lavé et broyé puis chauffé à plusieurs reprises. Il existe trois qualités: la plus basse, d’un gris foncé et mat, comporte une forte proportion de plomb, allant jusqu’à 40 p. 100, elle est appelée en France «claire étoffe» ou «étain mort»; la deuxième, ou «étain commun», moins terne et moins foncée que la précédente, est très employée: elle est composée de plomb, de cuivre et de bismuth jusqu’à 20 p. 100. La troisième, la plus belle, est l’«étain fin», dont les proportions comprennent 90 p. 100 d’étain allié au bismuth, au cuivre et à l’antimoine et donnent un métal gris pâle, brillant lorsqu’il est poli, et sonnant particulièrement bien. Seuls, l’étain fin et l’étain commun ont été utilisés pour la fabrication des objets mis en contact avec les aliments, la claire étoffe étant dangereuse du fait de ses fortes proportions en plomb. Le saturnisme, dû à l’absorption de plomb, fut jusqu’à la fin du XIXe siècle un mal fréquent, provoqué par les fraudes et le manque de précautions dans l’emploi des objets domestiques en étain, qui étaient censés avoir été contrôlés et être de bon aloi. L’étain est un des rares métaux à ne pas supporter le froid: vers – 13 0C, en effet, il devient friable, crevassé et purulent, atteint de cette maladie

irréversible qu’est la peste de l’étain. À plus basse température encore, il tombe en poussière. Il faut tenir compte de cette particularité pour la conservation et pour la qualité de la sonorité des tuyaux d’orgues, par exemple. On a longtemps cru que les pièces atteintes par la peste de l’étain risquaient de contaminer les objets sains, mais des études récentes menées par les laboratoires du musée du Cinquantenaire à Bruxelles semblent remettre ce fait en cause. On «essaie» l’étain à la mouche, en faisant fondre un petit point qui évolue de façons différentes selon la qualité du métal. L’étain est mis en forme de deux manières, au marteau ou fondu.

Salmon, auteur français du célèbre ouvrage L’Art du potier d’étain , publié à Paris en 1788, parle de «planage» et de «forgeage». Ces opérations sont visibles sur les rares pièces médiévales conservées. Le travail au marteau a été abandonné au XVe siècle, mais a été réutilisé au XIXe siècle pour surdécorer des pièces du XVIIe ou du XVIIIe siècle, repoussées en relief à l’outil après avoir été fondues.

La forme de l’étain et le décor le plus fin, en relief, ajouré, repercé, ciselé, sont obtenus par coulage dans un moule, de bronze ou d’acier, et viennent bruts de coulée, l’étain prenant particulièrement bien les empreintes et ne demandant presque aucun travail de reprise et de reparure, contrairement au bronze ou au laiton. Les anses, les pieds, le couvercle ou les autres éléments sont coulés séparément, puis assemblés par soudure. Une fois la pièce démoulée, il suffit de limer les ébarbures et de pratiquer les moulurations et le polissage au tour. Le décor peut être gravé au burin, à la pointe ou au vernis de graveur, suivant les techniques traditionnelles; le «décor à l’acide» est propre à l’étain; il ne consiste pas en une attaque de la surface du métal, mais en un coulage dans un moule dont les décors en creux ont été obtenus par gravure à l’acide, donc en très léger relief. Les célèbres plats dits d’Edelzinn, fabriqués en Allemagne au XVIe siècle, relèvent de cette technique.

Dès le XVIIe siècle, l’étain a aussi été incrusté en plaques ou en filets dans le bois, au même titre que l’écaille, l’ivoire ou le cuivre, dans les célèbres meubles français de A. C. Boulle (1642-1732) et certaines pièces ont été peintes comme des tôles de fer.

Le plus ancien objet d’étain connu est une petite gourde à deux anses, datée de 1850 avant J.-C., trouvée en Égypte à Abydos. En France, une marmite, découverte à Bétricourt en Artois, mais disparue aujourd’hui, aurait daté du IVe siècle après J.-C. En Angleterre, des objets du IIIe siècle, ainsi que des moules en pierre datant de l’occupation romaine, ont été mis au jours lors de fouilles; ils étaient fabriqués en Cornouailles, région particulièrement riche en mines. L’emploi de ce métal semble avoir été pratiquement abandonné à la chute de l’Empire romain. Aux XIIIe et XIVe siècles, il apparaît à nouveau dans la vie privée comme dans la vie religieuse. Peu nombreuses sont les pièces françaises parvenues jusqu’à nous; en Allemagne, en revanche, dans l’église Saint-Nicolas de Rostock et l’église de la Vierge à Mayence, de grandes cuves baptismales, datées des années 1320, rivalisent avec les cuves en bronze. Le musée de Cluny conserve des salières en étain attribuées à la même époque; pour l’Allemagne du XVe siècle, on peut citer les vases à boire de Wismar, ainsi que la grande chope de corporation des boulangers de Breslau (1497). Les vases officiels de corporation, des aiguières ou des cimarres, décoraient les salles des hôtels de ville dans les anciens Pays-Bas.

Au XVIe siècle, en France, l’étain rattrape la place occupée par les métaux précieux et on parle désormais d’«orfèvrerie d’étain» ou «à la façon d’argent». Au XVIIe siècle et aux siècles suivants, les potiers d’étain continueront à calquer leurs modèles sur des pièces d’orfèvrerie. Le répertoire d’Étienne Delaune et celui de Théodore de Bry utilisent les mêmes dénominations: mascarons, arabesques, rinceaux, grotesques; l’aiguière de la Tempérance de François Briot de Montbéliard, conservée au Louvre, exécutée vers 1570, est un très bel exemple à rapprocher des grandes pièces décoratives placées sur des buffets ou des dressoirs représentés dans des gravures françaises du XVIIe siècle. Il existe des exemplaires du même type dans les collections Rothschild, Fould et Dutuit au Petit Palais à Paris. De Gaspard Enderlin, Suisse né à Bâle, potier d’étain à Nuremberg, on a conservé dans cette même ville un plat représentant la Vierge en Gloire. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les ateliers de Nuremberg, de Saxe, de Silésie, de Bohême et de Moravie sont particulièrement productifs.

Comme pour l’argenterie, les modèles français ont été imités tout au long du XVIIIe siècle dans toute l’Europe et nombreuses sont les pièces très marquées par le style français sans renoncer toutefois au baroque. Dans les villes, chaque atelier d’étain avait une spécialité: les vaisseliers pour la vaisselle plate et platerie; les potiers ronds pour les pichets, les cruches et les mesures; les menuisiers faisaient les petites pièces, telles que les gobelets, les bénitiers, les calices, les sucriers et les chandeliers; les bimbelotiers, enfin, ne fabriquaient que les boutons, les jouets, les jetons, les accessoires du costume et les pièces d’assemblage pour la vaisselle de faïence ou de grès.

L’étain décoratif renaît à la fin du XIXe siècle avec un goût très prononcé pour la Renaissance et pour les pièces d’apparat. Pour l’Exposition universelle de 1889, Jules Brateau réalise une chope à bière décorée des trois Parques, une cafetière persane, une aiguière et son bassin, inspirés du plat de François Briot. D’autres noms de potiers d’étain sculpteurs doivent être cités; dans les années 1900, Jean Bafier réalise un surtout de table pour l’hôtel Galliera à Paris, Louis Boucher et Alexandre Charpentier coulent des étains d’inspiration végétale pour des vases et des jardinières. L’étain devient alors, comme le bronze, un matériau se prêtant aux fontes d’art.

Les techniques actuelles restent identiques à celles des siècles passés, mais la qualité des alliages permet de fabriquer en toute sécurité des étains destinés à tous les usages. Proche de l’étain et un peu plus fusible, le bismuth est un métal blanc argentin, légèrement jaunâtre, utilisé en alliage avec d’autres métaux tels que le plomb et l’étain, dont il augmente la dureté. À la fin du XIXe siècle en France apparaît une production d’objets décoratifs fondus en série, bon marché, coulés dans des moules peu profonds épousant facilement les moindres contours et reliefs. Ces moules sont composés de plusieurs feuilles de papier mouillé, mis en forme sur un modèle en relief; une fois séché et enduit d’une sorte de talc réfractaire, le bismuth y est coulé directement et s’y solidifie rapidement sans brûler le papier, car son point de fusion est très bas (100 0C). Les objets ainsi obtenus sont, entre autres, des crucifix appliqués sur fond de velours ou de tissus, des boîtiers de pendules, des petits médaillons, des plats de reliures et des plaques ajourées et découpées pour être appliquées sur des meubles ou sur des objets.

Le plomb

Le plomb, quant à lui, est utilisé pour ses qualités isolantes et pratiques plutôt que pour ses qualités artistiques. Du fait de son poids, qui le rend fragile, sa conservation est difficile et l’usage que l’on en faisait, principalement dans l’architecture, le vouait à la destruction et nécessitait des remplacement réguliers. Des fouilles, tant dans les maisons de Pompéi que dans d’autres villas romaines, ont révélé quelques grandes vasques décoratives et des bassins en plomb. Par la suite et surtout au Moyen Âge, le plomb fut utilisé en numismatique, pour des sceaux, des monnaies et pour les méreaux civils ou religieux qui étaient l’équivalent des jetons de présence, car ils attestaient la participation à une assemblée ou à un pèlerinage. Ces objets étaient fondus en couche mince dans des moules en pierre et recevaient un décor sur les deux faces ou d’un seul côté.

À la même époque, certains objets du culte fabriqués en plomb, tels que les crosses, les calices et les patènes, étaient destinés à être placés dans les sépultures de personnages religieux comme marque de leur dignité. En raison de son prix modéré et de la facilité de sa mise en forme, le plomb a été utilisé pour toutes sortes de petits objets d’usage courant dès le début du Moyen Âge et jusqu’au XIXe siècle.

Comme il résiste aux différentes oxydations de l’air, à l’inverse du fer, le plomb a toujours été utilisé en architecture pour les épis de faîtage, les gouttières, puis, au XVIe siècle, pour les encadrements de lucarnes, et au XVIIe siècle il est préféré au marbre et à la pierre pour les bassins, les vasques de fontaines, les luminaires et les statues décoratives dans les jardins.

Le zinc

Le zinc est généralement utilisé en alliage, en particulier avec le cuivre, pour obtenir du laiton. Ce n’est qu’au début du XIXe siècle que le zinc seul entre dans la fabrication d’éléments d’architecture et de mobilier. Au même moment, son rôle décoratif est également mis en valeur et développé. En 1819, le sculpteur Malpas présenta à Paris une statue de Louis XVIII en zinc fondu qui fit sensation, mais ce type de réalisation resta exceptionnel. Le zinc peut être travaillé au marteau ou fondu facilement, grâce à son bas degré de fusion (419 0C); il prend bien les empreintes du moule, mais il ne semble pas que les artistes et les artisans aient été très séduits par ce matériau.

Le zinc d’art coulé a pour but d’imiter le bronze, mais la technologie ne permet pas avant 1850 de le fondre avec noyau; les objets coulés étaient donc jusqu’à cette date très lourds et difficilement utilisables. Le zinc était surtout employé en feuilles martelées, plus légères pour des doublures de vases, de rafraîchissoirs ou de jardinières. Le cuivrage, la dorure et l’argenture électrochimique, réalisés au bain galvanique et devenus courants dans les années 1840, pouvaient être appliqués sur le zinc. Dès lors, l’illusion de la ressemblance avec le bronze était parfaite et les pendules, les vases et les garnitures de cheminées furent vendus bien moins cher, tout en produisant le même effet. Le nombre des ouvriers occupés à ces faux «bronzes d’art» s’est multiplié très rapidement.

Laminé industriellement et estampé à la main ou en série, le zinc peut garnir les toits, les crêtes, les chéneaux, les épis de faîtage, des pinacles, des marquises, des lucarnes et des pendentifs de tous styles; ses qualités lui permettront de s’adapter à la robinetterie et à la tuyauterie, ainsi qu’aux objets de toilette, aux baignoires, aux tubs, etc. Vers la fin du XIXe siècle, les métallurgistes ont réussi à mettre au point un métal de plus en plus pur: la dorure du toit en zinc du magasin du Printemps qui sera réalisée en 1882 en est un exemple remarquable; pour les usages extérieurs et intérieurs, le zinc est associé au fer qu’il protège: en 1925, à l’Exposition universelle, des ornements de zinc estampé, patiné, doré et étamé ont participé à la décoration de différents pavillons.

5. Les recherches sur les métaux

Les principaux laboratoires de recherche

Il existe deux types de laboratoires de recherche. Les uns se consacrent à l’étude des métaux eux-mêmes et à leurs corrosions, les autres ont pour tâche de réaliser des opérations de restauration et de consolidation des œuvres pour permettre leur conservation dans les collections permanentes, privées ou publiques, tout en prévenant les éventuelles modifications et les corrosions qui peuvent atteindre les objets restaurés.

Le laboratoire des Musées de France a pour but d’analyser et d’étudier des œuvres avant acquisition ou au moment de leur entrée dans les collections. En effet, les conclusions de l’étude scientifique d’un objet peuvent avoir des conséquences sur la décision d’achat, de donation ou de dation. Les analyses menées sur des séries d’objets archéologiques, par exemple, permettent des études comparatives d’objets muséaux et d’objets de provenances diverses.

En France, les principaux laboratoires d’études et les ateliers de restauration des métaux de provenance archéologique sont situés à Argenton-sur-Creuse, à Bordeaux, à Compiègne pour la paléométallurgie, à Draguignan, Saint-Denis, Nantes, Versailles (service de restauration des Musées de France), Vienne et Poitiers pour les métaux modernes, sans oublier le Centre de culture scientifique, technique et industrielle du fer et de la métallurgie du laboratoire d’archéologie des métaux de Jarville en Meurthe-et-Moselle.

En dehors de la France, il faut citer le laboratoire du musée d’Art et d’Histoire de Genève, celui de Mayence en Allemagne, le Centre de restauration de Bruxelles, le laboratoire du British Museum à Londres et le laboratoire de recherche d’archéologie et d’histoire de l’art de l’université d’Oxford, l’Institut canadien de conservation à Ottawa, le Conservation Analytical Laboratory du Smithsonian Institute à Washington, l’institut du Centre Getty à Marina del Rey, Los Angeles. Ces différents laboratoires publient les résultats de leurs recherches dans des revues spécialisées.

Les techniques

Les études menées sur les métaux révèlent que les métaux purs ne sont utilisés que très rarement. Les alliages utilisés possèdent en effet une gamme de propriétés beaucoup plus vastes que les métaux. C’est ainsi qu’il a été possible de confirmer que les alliages à base de cuivre, et dans lesquels le cuivre est proportionnellement le plus important, sont les premiers alliages utilisés par l’homme, en particulier les laitons et les bronzes. La détermination de la teneur en étain d’un bronze aide à reconstituer les choix techniques pratiqués en Europe occidentale par les artisans dès l’âge du bronze (IIe millénaire).

La microscopie et l’analyse chimique permettent d’étudier de manière approfondie des matériaux et de découvrir le matériau constitutif réel d’un objet: par exemple, l’émail et non le verre pour les émaux rouges celtiques fabriqués dans une aire géographique allant de la Hongrie à la France, du IVe siècle au Ier siècle avant notre ère, émail rouge incrusté dans des objets en alliage cuivreux. L’observation par la microscopie optique de la microstructure d’un prélèvement a révélé la température (de 800 à 1 000 0C) à laquelle il a fallu porter l’objet pour qu’il y ait adhésion de l’émail sur le fond métallique, la vitesse de refroidissement, la composition faite de verre au plomb coloré par de très fines particules d’oxyde cuivreux.

Les métaux sont identifiables par leurs propriétés, leur éclat, suivant le degré de réfraction de la lumière, leur densité (par exemple, 1 litre d’or pèse 19 kg alors que 1 litre de cuivre pèse 9 kg) et leur ductilité suivant qu’ils sont plus ou moins bons conducteurs de la chaleur et de l’électricité.

Pour l’examen direct des surfaces métalliques, on utilise la lampe binoculaire qui, grâce au grossissement qu’elle permet et à la vision stéréoscopique qu’elle donne, favorise l’observation des techniques utilisées pour un décor gravé, par exemple, ainsi que des modes d’assemblages des différents éléments. La fluorescence permet de déceler des reprises de gravures. L’émissiographie consiste à irradier la surface d’un objet par un faisceau de rayon X de grande énergie pour obtenir l’émission d’électrons. Cette émission est enregistrée sur film radiographique et facilite l’étude des décors sur métal mais aussi sur la céramique et sur le bois.

La microscopie électronique à balayage apporte des informations sur la structure des alliages, sur la forme des grains, la ségrégation des métaux et les inclusions et permet d’observer des traces d’outils et les défauts de surfaces des objets.

Parmi les procédés permettant d’examiner l’intérieur d’une structure métallique, il faut citer l’endoscopie. Celle-ci, à l’aide d’une optique télescopique et d’un éclairage interne par fibre optique, fait découvrir à l’intérieur d’un objet creux, un bronze par exemple, la présence des noyaux, armatures ou clous de fixation.

La radiographie par rayon X provoque l’absorption du rayonnement en fonction de la nature, de l’épaisseur et de la densité du métal étudié. Cet examen permet non seulement de reconnaître les techniques de fabrication, mais aussi d’évaluer l’état de conservation d’un objet. La microfluorescence X est une méthode permettant d’identifier directement les matériaux et les techniques mises en œuvre par l’analyse des soudures, des incrustations, des placages et des dorures, entre autres. L’analyse par faisceaux qui est pratiquée avec un accélérateur de particules est une technique très puissante permettant d’affiner les informations déjà obtenues sur la fabrication, la datation et la provenance d’un objet.

On analyse aussi les métaux sur des fragments prélevés par forage ou fraisage, mis ensuite dans une solution, transformés en minuscules pastilles et inclus dans une résine. La coupe transversale des échantillons ainsi prélevés permet aussi de faire une étude par diffraction de rayon X; pour la plupart des corps solides possédant une structure cristalline propre, le cristal contenu, quand il est soumis au rayonnement X, provoque des interférences sous forme de raies dont l’intensité et le positionnement dépendent de la structure du métal étudié. Ce procédé permet d’identifier les éléments constituants de la nature du métal et des matériaux de décor ainsi que celles des altérations ou des corrosions du métal. La spectrométrie, méthode d’analyse qualitative, permet, en fonction de la nature des ondes lumineuses utilisées – les ultraviolets et les infrarouges – de connaître le degré de concentration des éléments majeurs et des traces de tous les autres composants du métal. Elle est pratiquée à partir d’un échantillon de matière dissous dans l’acide et complétée par un examen métallographique donnant la possibilité de déterminer la date ainsi que l’évolution chronologique des procédés de métallurgie et de travail du métal: elle peut être pratiquée sur les alliages de cuivre ainsi que sur l’or, l’argent et le plomb.

L’archéologie expérimentale peut compléter les analyses en laboratoire en permettant de mettre en œuvre des techniques anciennes. Il est ainsi possible de reconstituer totalement les conditions de travail, les matériaux et les outils utilisés, ainsi que les pratiques d’ateliers ou d’obtenir les températures utilisées par les premiers fondeurs de bronze ou les premiers forgerons du fer.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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